Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Ludosophie : Les jeux vidéo pris au sérieux
12 février 2013

Transcendance ou caverne dans la caverne ?

Vous avez peut-être entendu parler du projet « Project glass » développé par Google et plus ou moins déjà utilisé dans le cadre d’applications militaires. Pour rappel, il s’agit d’une paire de lunette à partir de laquelle viendront se superposer des informations sur le réel par le biais de réalité augmentée.

Marcher dans la rue avec Google map au coin de l’œil, ouvrir sa fenêtre et avoir une prévision météo rien qu’en regardant le ciel, appel vidéo à partir de ces lunettes, etc. Encore un gadget digne de la science fiction qui devrait être commercialisé fin 2014. Mais aujourd’hui la concurrence n’est jamais loin lorsqu’il s’agit d’évolutions technologiques et le géant Microsoft ne semble pas décidé à rester sur la touche.

 

En effet, si Google propose le dispositif sous forme de lunettes, Microsoft s’attellerait déjà à développer quelque chose de similaire mais…sous forme de lentilles. Vous avez toujours rêvé de voir le monde en mode Spartan mais l’idée de porter un casque massif vous gène, voilà le problème résolu.

Vous pourrez consulter cet article pour plus d’infos : (http://www.developpez.com/actu/41186/TechDays-2012-Microsoft-presente-des-lentilles-de-contact-intelligentes-pour-le-medical-et-la-realite-augmentee/)

 

Quoi qu’il en soit, une question m’est venue à l’esprit en prenant connaissance de ces dispositifs dont on ne peut nier l’aspect révolutionnaire. Allons-nous transcender le réel ou bien nous enfoncer plus profondément dans l’illusion sensible ?

Si l’on a à l’esprit le discours de Platon (je vous renvoie vers le Banquet, l’Hippias Majeur ou encore La République VII où est développée l’allégorie de la caverne), la quête de vérité ne peut se résoudre à l’observation, à l’expérience que nous faisons des choses par le biais de nos sens. D’une part, nos sens sont toujours en mesure de nous tromper comme lorsqu’ils nous font croire que le roseau à moitié immergé est brisé à angle droit. D’autre part, les sensibles (c'est-à-dire les choses dont nous faisons l’expérience par nos sens) ne sont que la manifestation substantielle d’une réalité « En Soi » que la forme sensible ne peut représenter dans sa pure vérité.

Prenons par exemple la question du Beau traitée dans l’Hippias Majeur, dans le cadre d’un dialogue entre Socrate et Hippias. Socrate, admettant son ignorance sur la nature du beau, questionne Hippias qui pense savoir ce qu’est le beau. À partir de là, le dialogue va conduire les deux protagonistes dans une succession d’exemples de choses dites belles mais qui, pourtant, ne semblent en aucun cas semblables. Ce dialogue pourrait-être retraduit par des exemples plus proches de notre époque et nous pourrions dire que : Une voiture de sport c’est ça le beau, qu’un visage charmant c’est ça le beau, qu’un outil ou une machine qui rempli bien sa fonction est un bel objet, qu’un acte de charité est un bel acte, etc. Or, en dépit de cette qualité qu’on leur attribue (à savoir d’être beau), il est évident que ces réalités ne semblent pas présenter de traits communs.

Par conséquent, au terme de cet échange, c’est moins vers une définition stricte du Beau que nous conduit Platon mais vers une conception consistant à poser l’existence de réalités dites « En Soi » qui ne seraient être perçues par le biais de leurs différentes incarnations sensibles. Dès lors, ce dont il est question c’est d’une invitation, de la part de Platon, à nous élever au-delà des réalités sensibles pour percevoir les réalités « En Soi » (dites intelligibles) porteuses de vérité.

 

Mais qu’en est-il des dispositifs que développent Google et Microsoft ? D’une certaine façon, nous pourrions considérer que ces lunettes et/ou ces lentilles nous émancipent du cette dimension lacunaire que relevait Platon à l’égard de la réalité sensible. Toutefois, s’il y a bien enrichissement de la réalité considérée comme pauvre, il ne s’agit là que d’une augmentation par sur-ajout de réalité sensible virtuel sur une réalité sensible réelle. De fait, gardant toujours le propos platonicien à l’esprit, ces dispositifs ne consisteraient qu’à surajouter une médiation de plus entre les réalités « En Soi » et les réalités sensibles, en virtualisant ces dernières. Par conséquent, tel le principe des poupées russes, à nous éloigner encore plus des réalités « En-Soi », à nous enfoncer encore plus profondément dans la caverne, dans une caverne au sein même d’une caverne.

 

Néanmoins, une autre compréhension nous semble possible. Si ces dispositifs ne permettent pas de transcender la réalité sensible, il n’est pas certains qu’ils nous éloignent encore plus des réalités « En-Soi ». En effet, nous pouvons penser que ces dispositifs engagent moins l’ajout d’une étape supplémentaire dans notre quête des « En- Soi », que la transfiguration de la réalité sensible elle-même. Ainsi, si tel est le cas, ces nouvelles technologies ne consisteraient qu’à transformer le mode de figuration des réalités sensibles, pour les faire passer de l’état de réalité sensibles réelles à l’état de réalité sensible virtuelle, mais en aucun cas à augmenter la distance qui nous sépare des réalités intelligibles.  

Publicité
Publicité
Commentaires
Publicité